top of page

LES NOUVELLES MENACES

Par Jacques Leibovici

02/2012, revu le 15/04/2013

 

En 2006, dans le cadre de travaux diffusés par la Documentation Française sous le titre Armement et Désordre mondial, j’ai présidé pendant quelques mois la commission

« Nouvelles menaces, nouvelles missions, nouveaux armements » et participé à celle intitulée « États laïcs – États religieux » constituées par l’Association des Auditeurs du Centre des Hautes Etudes de l’Armement, dont j’avais été moi-même auditeur puis conseiller des études pendant la décennie 80.

J’avais d’ailleurs, à cette époque, après quelques mois, démissionné de la première.  J’étais en effet en profond désaccord avec de nombreux membres de cette commission, militaires de haut rang ou ingénieurs militaires.  Après la fin de la guerre froide j’estimais que les principales menaces étaient le terrorisme et l’intégrisme musulmans, mais, en dépit des événements, « il n’était pas politiquement correct de le dire aussi crûment ».  Les militaires et ingénieurs militaires de hauts rangs étaient eux-mêmes des intégristes du politiquement correct.  Ne pouvant se faire valoir et montrer leur valeur sur un théâtre d’opérations, ils en étaient réduits, pour avoir de l’avancement, à courtiser leurs supérieurs et ainsi de suite jusqu’au sommet de l'État et de la classe politique. Ils se refusaient à considérer le terrorisme comme une affaire qui appelait des solutions militaires, comme les Américains l’avait fait ; ils se contentaient de penser et d’affirmer que les deux menaces objets de ces commissions se résoudraient par des opérations de police au niveau local et une politique d’intégration sociale, car, selon eux, le principal motif des attentats était le fait de personnes défavorisées.

 

Quelques années plus tard, on s’aperçoit que la police seule ne peut traiter seule ces menaces et que si certains terroristes sont recrutés dans des milieux venant de l’immigration et socialement défavorisés, beaucoup sont issus de couches de populations aisées et apparemment intégrées ; de plus leurs dirigeants font souvent partie de familles riches et éduquées.

 

Seules les actions militaires des Etats-Unis, de la Grande Bretagne et dans une moindre mesure de la France, après un changement de politique dû au changement à la tête de l’Etat, ont pu, sinon éradiquer, tout au moins endiguer ces menaces, comme la trithérapie lutte contre la progression du sida sans toutefois éliminer totalement le mal.

 

De nos jours quelles sont les menaces ?  L’intégrisme musulman existe toujours et seule la faiblesse morale des démocraties occidentales lui permet de s’exprimer. Mais nous nous rendons bien compte que ni le terrorisme seul, ni les doctrines de la charia ne pourront renverser le mode de vie de nos pays si ce n’est de façon marginale.   Nous devons toutefois nous inquiéter devant la rapide pénétration insidieuse de celles-ci, par exemple : Goussainville dans le Val d'Oise, 30996 habitants, compte 6 mosquées parmi les 87 du département ; les volontaires pour le Jihad, en Syrie ou ailleurs, sont de plus en plus nombreux.

 

Le monde « bipolaire » d’avant la chute de l’URSS a été remplacé par un monde dit « multipolaire » à trois ou quatre, à savoir les Américains, l’empire russe et la Chine.  Je compterai l’Europe, enlisée dans une crise économique, monétaire et morale sans précédent pour une puissance de second rang qui ne peut exercer d’influence positive qu’en s'alliant aux Etats-Unis au moins sur le plan des opérations.

 

Ceux-ci, depuis l’élection du président Obama et une crise financière et bancaire gérée avec égoïsme et en dépit du bon sens, sont dans un état de faiblesse extrême. Ceux-ci, depuis l’élection du président Obama et une crise financière et bancaire gérée avec égoïsme et en dépit du bon sens, sont dans un état de faiblesse extrême. Leur crédibilité internationale, due à une méconnaissance du monde, à une naïveté et une incompétence en matière de politique extérieure, est quasi nulle.  L’ONU, comme le montre la crise syrienne, est, de par son mode de fonctionnement et les vétos des Russes et des Chinois, inexistante.  Malheur aux Peuples ou aux Etats qui compteraient sur cette organisation pour venir à leur secours.

 

Le régime de Poutine, en Russie, comme l’ont fait avant lui toutes les dictatures accomplies ou en devenir, détourne ses électeurs des problèmes internes du pays vers des menaces, supposées ou réelles venant de l’extérieur sans en quantifier les risques.  Il ne peut plus compter, comme l’URSS, sur le soutien automatique des Républiques sœurs, il achète donc par son aide en matière d’armement, ses prises de position politiques et juridiques à l’ONU, les pires dictatures au pouvoir : Iran, Syrie, Corée du Nord, Venezuela …  Il ne s’agit plus de compromissions avec des organismes terroristes, mais avec des Etats eux-mêmes terroristes.

Dans ses dernières déclarations, Poutine, après sa troisième réélection à la Présidence de la Russie, parle même de relancer la course aux armements.  Allons-nous vers un retour à la guerre froide et aux années Reagan ?  Poutine est un fin stratège et ne cède sur aucun de ses objectifs, la Russie ne devient-elle pas, à nouveau, la menace la plus sérieuse contre l’Occident ?

 

La Chine, elle, suit un parcours solitaire et original.  D’un immobilisme dogmatique intégral sur le plan de l’organisation gouvernementale, elle permet à l’économie de marché de s’envoler vers des cimes jamais atteintes.  Elle laisse le peuple gérer ses objectifs fondamentaux : « manger en suffisance après les années Mao, se nourrir dans les campagnes, s’enrichir et participer à l’hédonisme moderne de notre époque dans les villes et centres industrialisés ».

 

Son modèle politique reste immuable mais dénué de sens hors du microcosme dirigeant lui-même.  La boutade de Teng Tsiao Ping reste d’actualité : « je me moque qu’un chat soit noir ou gris du moment qu’il attrape les souris » et qu’éventuellement il verse quelques subsides à ses dirigeants.  La corruption a de tous temps en Chine été  un mal (ou un bien ?) endémique : les Chinois sont un peuple travailleur et habile quand il est motivé ; ils sont capables de s’enrichir rapidement, mais lorsque les seuls qui n’en profitent pas sont les fonctionnaires et l’armée, payés par l’Etat, la tentation est grande alors, pour des gens généralement plus instruits, de palier à cette injustice en se révoltant, ou mieux en effectuant des « prélèvements aux péages », autrement dit , de de faire de la corruption un point de passage obligé.

 

D’une manière générale, les moralisateurs occidentaux ont tort de se croire responsables de ces circuits de corruption et de s'autoflageller, ceux sont les modèles économiques des destinataires, à l’origine de la demande, qui induisent cette situation.

 

En politique extérieure, la Chine, girouette s’orientant au grès d'objectifs égoïstes, réagit cyniquement, sans aucun frein moral en fonction de ses intérêts généralement économiques plus que politiques. Elle soutient à l’ONU des dictatures agressives et meurtrières, tout en accueillant et en coopérant techniquement, industriellement et même sur le plan de l’armement avec les Etats menacés par ces mêmes dictatures.

 

Alors que conclure de cette analyse ?

 

2012 fut une année électorale dans de nombreux pays de ce que l’on aurait appelé au temps de la guerre froide « le théâtre des opérations » et l’issue des conflits actuels ou qui pointent leur nez, dépend bien évidemment du résultat des élections récentes.

 

Le Président Obama sera-t-il moins naïf, dans 4 ans un Républicain à poigne le remplacera-t-il ?  En France, la gauche l’a emporté avec des prises de position dont le réalisme reste sujet à caution et a réussi en quelques mois à obtenir, en moins d'un an, le record du plus bas taux d'opinions favorables jamais enregistré par un gouvernement français.

 

En Iran, verra-t-on poindre des dirigeants plus ouverts au monde moderne et laïc ?   À majorité Chiites, 10 % du total des musulmans, ils ressentent leur encerclement par des Sunnites, dont un état, le Pakistan, possède l'arme nucléaire, comme une menace existentielle plus grave que la menace israélienne avec qui ils avaient par le passé, depuis les temps historiques de la Perse, des bonnes relations, mais l'antisionisme et la judéophobie restent un point de convergence primordial entre les deux sectarismes.

Les révolutions du « printemps arabe » déboucheront-elles sur de vraies démocraties ou des dictatures islamistes ?  Les expériences passées peuvent nous rendre assez pessimistes : deux grands pays musulmans, le Pakistan et la Turquie, le premier avait même élu une femme comme Premier Ministre et le second avait été une démocratie laïque pendant près de 80 ans, après avoir tenté l’expérience de séparation de la Religion et de l'État, marquent un retour forcené à l’Islam politique.

Dans tous les cas de figure, l’Occident doit faire preuve de courage et de volonté, s’il veut conserver son modèle de civilisation. Ne confondons pas « civilisation » et « race », la civilisation occidentale est supportée par une échelle de valeurs démocratiques (ce qui n’a pas toujours été le cas), alors que la « race » est une notion ancrée dans les gênes et ne prédispose pas à appartenir à une civilisation ou une autre. L’Occident doit être prêt à se défendre, y compris par des moyens militaires (1).  Il est généralement admis par les économistes qu’une augmentation des dépenses militaires relancerait l’Economie, la Croissance, mais aussi l’Inflation.

Ces dernières remarques contiennent implicitement mes conclusions, mais comme ces cinq dernières années nous l'ont montré, Obama a totalement raté son second mandat ce qui a entraîné l'élection d'un Républicain, Donald Trump, imprévisible, mais qu'on espère pragmatique et à qui on souhaite de bien s'entourer pour combler son manque d'expérience.  En mai 2017 une nouvelle élection présidentielle aura lieu en France, peut-être en sortira-t-il un nouveau président plus efficace que le locataire actuel de Élisée, le plus impopulaire depuis la cinquième République.  La guerre contre Daesh évolue lentement, mais dans un sens favorable à la coalition occidentale, sans toutefois résoudre l'imbroglio militaro terroriste au Proche Orient, ni ne permettre de penser que le risque d'attentats terroristes en Europe ait été éradiqué.

 

Note de l'auteur : Depuis  le Président Trump a développé la doctrine de "l'America First", avec des conséquences en Corée du Nord, au Proche-orient  et en Iran dont les conséquences  à moyen et long termes restent à découvrir.

1) Les dépenses militaires de l'Europe sont en pleines décroissances et inférieures à celles de la Chine, de la Russie et bien sur des Etats-Unis, où elles augmentent fortement (cf. IHS Jane's Defense & Security Intelligence & Analysis).

bottom of page